« Comment construire, à l’école, un usage libre et éclairé du numérique ? »
Dans le cadre de sa publication spéciale sur la responsabilité sociétale des entreprises, idruide a interviewé Marie-Caroline Missir, Directrice générale de Réseau Canopé.
La mission centrale de Réseau Canopé est la formation continue des enseignants, en France mais également à l’international, dans les pays qui nous sollicitent. En France, les enseignants bénéficient de 18 heures de formation obligatoire dans le premier degré, tandis que celle-ci est facultative dans le secondaire. Nous sommes également engagés dans la mise en place de la réforme initiée par le Premier Ministre afin que le temps de formation empiète le moins possible sur les temps de classe et pour améliorer le remplacement des enseignants. En devenant l’opérateur de la formation continue des enseignants en 2021, en partenariat avec les écoles académiques de formation continue, nous avons développé de nouveaux modules de formation hybrides, facilement accessibles, pour répondre à cette injonction ministérielle.
Mon parcours dans la presse m’a d’abord permis de bien connaître les politiques éducatives.
Ensuite, il y a effectivement un lien entre les deux univers qui sont impactés par la transition numérique. En réalité, tout ce qui concerne la production de contenu est bousculé. Dans les médias, la chaîne de valeur a été modifiée tandis que dans l’éducation, la transmission et les usages ont notablement évolué. Dans ce cadre, Canopé a la capacité à créer du lien entre tous les acteurs : collectivités, parents, EdTech ou bien sûr enseignants… Ce n’est pas nouveau pour nous. Je rappelle que nous avions contribué à l’audiovisuel public avec la télé éducative et cet ADN irrigue encore nos contenus. En revanche, si nous sommes bien engagés dans une transformation forte, nous ne passerons jamais au 100 % numérique car nous croyons profondément à l’efficacité et au sens du modèle de formation hybride, dans nos ateliers présents dans tous les départements, et en présentiel.
Nous avons lancé une offre dédiée à la transition écologique et sociétale. Tout cela irrigue notre offre et représente un élément important dans nos contenus. Notre offre en ligne est tournée vers la pratique afin que les enseignants s’approprient concrètement les fondamentaux. Et cela fonctionne très bien : ils sont plus de 6 000 en 2023 à s’être appuyés sur nos ressources et je peux dire que les enseignants se sont vraiment emparés de ce sujet. Le succès est d’autant plus spectaculaire qu’il n’y a aucune obligation et leur inscription se fait sur la base du volontariat.
Numérique et écologie sont intimement liés car cela interroge bien entendu sur la notion de sobriété. On est vite rattrapé par les sujets d’impact et d’empreinte quand on a recours à des solutions digitales. Du coup, il faut sans cesse se poser la question des usages : quand et dans quel contexte pédagogique le numérique est-il utile ? Comment construire, à l’école, un usage libre et éclairé du numérique ? Sachant qu’en plus, il s’agit de répondre aux attentes des élèves et des familles.
C’est plus que souhaitable. Depuis fin 2022, cette technologie s’est invitée dans les classes et plus globalement dans tous les usages. Dès 2023, nous avions lancé des modules de formation sur l’IA générative et notamment leur fonction d’assistant pédagogique. Même si nous ne maîtrisons pas tous les tenants et aboutissants de ces technologies extrêmement rapides, les enseignants se sont, là encore, emparés de ces sujets pour la maîtrise de l’écrit que nécessite l’exercice du prompt, le travail sur l’esprit critique ou encore la création d’exercices sur mesure.
Nous sommes dans une phase compliquée pour les enseignants et pour les parents, entre une certaine diabolisation des écrans et une forme de technophilie un peu aveugle. Dans ce cadre, le rôle de l’école est de donner les clés pour maîtriser les technologies, en connaître les opportunités et les dangers.
On s’en doute, il faut un usage raisonné de la technologie et définir sa place dans la pratique pédagogique. Dans le champ de l’inclusion cela fonctionne très bien, tout comme pour la différenciation pédagogique qui permet de suivre finement les progrès et les difficultés des élèves. Je considère qu’il faut sortir d’une approche technocentrée et se mettre dans une perspective d’usages éclairés du numérique. Ce sujet comme ses usages doivent être traités et rayonner dans toutes les disciplines et pas seulement la technologie ou l’EMC ou encore l’éducation traditionnelle aux médias. Réfléchir à ce qu’impliquent les nouvelles technologies dans la vie quotidienne ou professionnelle est essentiel en termes d’éthique par exemple.
Mon mandat s’achèvera en 2026. Je souhaite ainsi qu’au cours de la prochaine décennie, la mission de formation de cet opérateur et sa très grande capacité d’innovation continuent à se déployer en France et dans le monde, dans un environnement pérenne. La mission de formation continue est en effet stratégique pour la qualité du travail de nos enseignants, la performance de notre système et la réussite de nos enfants. J’espère que bientôt, les 800 000 enseignants auront chaque jour leur moment Canopé.